Prendre la parole sur le suicide et sa prévention est une opportunité pour promouvoir :
- des mesures dont peuvent se saisir les personnes afin de prévenir le suicide,
- que le rétablissement est possible,
- les programmes et services efficaces,
- que de l’aide est disponible.
En d’autres termes pour favoriser l’espoir, le lien et le soutien social, le soin et le rétablissement.
POURQUOI CHANGER NOS DISCOURS SUR LE SUICIDE ?
Trop souvent, les messages publics et les récits médiatiques véhiculent des histoires fatalistes sur le suicide. On lit par exemple que le suicide est fréquent parmi tel groupe de population ou que les pensées suicidaires mènent inévitablement à la mort ou que rien ne peut être fait pour y remédier.
Pour illustrer, regardez les deux groupes de messages ci-dessous. Quelle est l’impression générale qui s’en dégage ? Quel groupe vous fait croire que le suicide est évitable ?
Mettre l’accent sur les données épidémiologiques qui démontrent l’étendue et la gravité du phénomène sans présenter des actions ou des solutions peut laisser sous-entendre que le suicide est inévitable.
Quand les messages prennent la forme d’un scénario social négatif pour des groupes spécifiques, un sentiment de fatalité se diffuse. Soit que la tentative de suicide est courante chez les adolescentes ce qui banalise le geste voire le rend escomptable. Ou que le désespoir est une expérience davantage répandue parmi les agriculteurs que la capacité à surmonter les difficultés.
Cela ne veut pas dire que nous devons minimiser la réalité des comportements suicidaires. Sans dissimuler le problème et les conséquences néfastes qu’il entraîne, nous devons faire attention à ne pas présenter le suicide comme étant inéluctable.
QU’EN EST-IL DU RÔLE DES MÉDIAS DANS LA CRÉATION DE RÉCITS ?
Les médias d’information et de divertissement véhiculent souvent des récits négatifs sur le suicide, en particulier compte tenu de l’audimat autour des morts sensationnelles (1), ou pour dénoncer les défaillances d’un système, etc.
Former les professionnels des médias aux recommandations de l’OMS est une activité clé du programme Papageno. Mais compte tenu de l’accent mis par les médias sur le négatif, il est encore plus crucial pour les professionnels de la prévention et toute autre personne qui transmettent des messages sur le suicide de contrebalancer ce discours médiatique par des messages récurrents mettant en avant les actions, les réussites et les ressources.
DE NOMBREUSES FAÇONS D’AGIR PAR LES MOTS QUI ENTOURENT LE SUICIDE
Le « message positif » est un terme global, et non une somme de messages prédéfinis. Vous pourriez par exemple inclure :
- Des actions concrètes et réalistes qu’un public particulier peut entreprendre pour contribuer à la prévention du suicide, ainsi que les informations nécessaires pour agir (des conseils détaillés, des liens Web, des numéros de téléphone, etc.)
- Des exemples de ressources d’aide ou d’intervention évaluées comme efficaceS
- Des histoires personnelles de rétablissement
- Des statistiques visant à illustrer que le suicide n’est pas une fatalité.
Évitez donc d’utiliser un slogan comme « le suicide est évitable » sans l’illustrer par des actions ou exemples spécifiques :
- Un compte de réseau social visant à promouvoir le rétablissement des adolescents pourrait inclure des histoires de pairs et la façon dont ils ont fait face à l’adversité.
- Un site Web visant à aider les parents à reconnaître et à prévenir les comportements suicidaires pourrait inclure des informations sur les signes à rechercher, mais aussi sur quand et comment avoir une conversation avec son enfant, comment agir s’il est en souffrance, les avantages de l’intervention précoce…
- Dans vos présentations pédagogiques, vous pourriez présenter des statistiques rappelant que si 4.700 personnes sur 100.000 ont des pensées suicidaires, 400 sur 100.000 feront une tentative de suicide et 12 personnes sur 100.000 décèderont par suicide.
- Si votre organisation propose des services ou des ressources d’aide en prévention du suicide, proposez des conseils à l’intention de vos partenaires afin qu’ils aient les moyens d’en faire la promotion.
Diffuser des messages positifs ne signifie pas cacher la tragédie du suicide, ne pas en parler comme d’un problème voire éviter de prendre la parole sur le sujet. Cela accroît la probabilité que le public reçoive des messages utiles en matière de prévention. En intégrant ces aspects, chaque message sur le suicide peut contribuer à façonner l’opinion du public sur la prévention.
(1) Trussler, M., & Soroka, S. (2014). Consumer Demand for Cynical and Negative News Frames. The International Journal of Press/Politics, 19(3), 360-379.