Ces dernières semaines ont vu émerger et rapidement se diffuser une menace d’une nouvelle sorte sur les réseaux sociaux français. Manœuvré par des opérateurs inconnus le « Blue Whale challenge » serait un système de mise à l’épreuve qui mise sur la fascination et la tentation de la transgression pour inciter insidieusement, par l’emprise psychologique, les adolescents aux violences envers eux-mêmes et au suicide. À ce jour, le corps sanitaire et éducatif constate une multiplication préoccupante du nombre de jeunes qui se disent concernés. L’appréhension du phénomène requiert toutefois une mesure et une prudence toutes particulières car les spécialistes des réseaux sociaux n’ont à ce jour pas d’éléments suffisants pour attester de la réalité de décès ou tentatives de suicide liés au challenge.
Afin d’éclairer cette décision, nous souhaitons porter à votre connaissance les éléments scientifiques suivants :
Les adolescents vulnérables qui sont surtout concernés par le challenge sont aussi ceux qui sont le plus susceptibles d’être tentés par la transgression, la prise de risque et la mise en danger d’eux-mêmes. À cet égard, la dénonciation du Blue Whale challenge peut avoir, en dépit de l’intention responsable qui la sous-tend, un effet paradoxal de suggestion chez ces jeunes. En outre, les adolescents en souffrance tendent à s’identifier de façon excessive aux conduites de leurs pairs, surtout lorsqu’elles connaissent une forme de renommée. Aussi, la médiatisation du Blue Whale challenge comporte un risque de « contagion » avéré.
À la lumière de ces éléments, et pour prendre en compte l’éventualité que le Blue Whale challenge ne soit que pure fiction entretenue par la médiatisation qui en est faite (phénomène de « légende numérique »), nous encourageons donc les journalistes à évaluer l’opportunité de couvrir le Blue Whale challenge et les faits divers qui lui sont relatifs avec la plus grande circonspection, et à la limiter au strict nécessaire.
Si toutefois vous aviez à traiter du challenge, nous vous proposons les points de repère suivant pour limiter au maximum le risque de le voir se répandre :
- Éviter toute sensationnalisation, y compris dans la dénonciation, afin d’éviter l’effet de fascination que pourraient éprouver les adolescents.
- Éviter de publier des photos et la liste précise des défis
- Éviter de présenter le Blue Whale challenge comme un jeu qu’il n’est pas.
- Angler de préférence sur les signes d’alerte (conduites de ruptures diverses) et les modalités de prévention
- Ne pas hésiter à mettre en avant les initiatives de la communauté des internautes adolescents à résister au défi. Pour exemples, voici quelques témoignages de Youtubeurs :
Faire figurer dans chaque article ou chaque émission les ressources d’aide disponibles (médecins généralistes, urgences des hôpitaux, ligne d’écoute d’associations de prévention du suicide et de santé des adolescents notamment Fil santé jeunes).
Nous vous informons également que les acteurs de la prévention du suicide et la communauté des professionnels de la santé présents sur les réseaux sociaux sont largement mobilisés. Ce travail de fond vise à repérer les adolescents en difficulté et à les orienter vers les dispositifs de soins.
Dr Charles-Edouard Notredame et Dr Pierre Grandgenèvre, programme Papageno
Thomas Rohmer et Marion Haza, Observatoire de la Parentalité et de l’Education Numérique