logo Papageno
Menu
AccueilBlogLe décès de Chester Bennington relance tristement la question du traitement médiatique du suicide

Le décès de Chester Bennington relance tristement la question du traitement médiatique du suicide

Partager l'article

Ce 20 juillet, l’annonce du suicide à 41 ans de Chester Bennington, chanteur du groupe Linkin Park, replace la question sensible du décès tragique des célébrités sur le devant de la scène.

Ce type d’événement attire légitimement l’intérêt du public et des médias. Or, comme le montrent les études scientifiques, les suicides d’artistes ou de politiciens sont d’autant plus à même de susciter des comportements d’imitation chez les personnes vulnérables qu’ils concernent des personnalités reconnues et/ou admirées.

Certes le phénomène questionne. Comment un acte aussi intime et personnel que le suicide peut-il être influencé par l’exemple d’un autre individu, a fortiori quand il s’agit d’une star que l’on n’a jamais vue ?

À travers les médias de masse, la célébrité s’incarne auprès du public comme une personne proche, comme un semblable qui a acquis une position sociale et symbolique désirable. Depuis cette position, la star suscite souvent un fort sentiment d’empathie chez ses fans. Comme en lien direct avec elle, ceux-ci tendent à s’y identifier, à adopter certaines de ses valeurs ou à imiter certains de ses comportements. La célébrité devient un modèle, un point de référence pour guider ses propres choix ou faire face à ses propres difficultés.

Par conséquent, le suicide d’une célébrité envoie à ses fans un message douloureux. Auréolé de la force symbolique dont elle jouissait, son geste est susceptible d’apparaître de façon trompeuse comme une solution à adopter. Lorsque l’auditoire souffre lui-même d’idées suicidaires, une célébrité admirée qui se donne la mort lève une peu de l’inhibition à passer à l’acte. D’où le risque attesté de contagion suicidaire en de pareilles circonstances.

Pour ces raisons, traiter du suicide d’une célébrité devrait se faire avec une prudence toute particulière : sans valorisation indue, ni description détaillée de la méthode employée, mais en mettant davantage l’accent sur les conséquences que ce geste peut avoir. Il apparaît préférable de ne se prononcer que lorsque la cause du décès est attestée et d’éviter toute spéculation potentiellement néfaste. Comme pour tout suicide, veiller à ne pas publier l’éventuelle lettre d’adieu et respecter les endeuillés.

Nous invitons donc les professionnels des médias à consulter les recommandations rédigées par l’OMS. Prendre en compte ces indications permet de prévenir un effet de contagion suicidaire et de rendre le suicide évitable. L’insertion d’un numéro d’appel (le 15, un médecin généraliste, un centre médico-psychologique) en est un exemple.

Nous rappelons également aux journalistes qu’en cas de suicide, un traitement médiatique précautionneux est souhaitable et ce d’autant plus lorsque la personne décédée est socialement connue. Ainsi, nous préconisons de :

  • Ne pas préciser ni illustrer avec force détails le moyen létal utilisé,
  • Informer les lecteurs sans sensationnaliser le suicide, ni le mettre en évidence,
  • Utiliser des expressions comme « mort par suicide », « suicide abouti » ou « il s’est tué » plutôt que présenter le suicide comme étant « réussi »,
  • Lorsque la cause du décès n’est pas connue, toute spéculation imprudente autour d’un suicide potentiel peut s’avérer néfaste. Il semble donc préférable de ne se prononcer que lorsque la cause du décès est attestée,
  • Mentionnez des ressources locales et/ou nationales où le public peut trouver de l’aide : traitement, information, conseils.
  • Évitez de présenter le suicide comme la conséquence d’un unique événement causal.