LE SUICIDE EST-IL EN HAUSSE CES DERNIÈRES ANNÉES ?
Depuis de nombreuses années, les taux de suicide en France tous âges confondus connaissent une diminution constante. Ils sont passés de 17,8/100 000 habitants en 2002 à 13,4/100 000 en 2022.
Bien qu’une diminution de 14% en 10 ans (10.632 décès en 2012 et 9.200 en 2022) témoigne du caractère évitable du suicide, elle reste lentement progressive.
D’autant qu’entre 2021 et 2022, ce taux a augmenté de 0,4 point par rapport à 2021, avec une progression importante des taux de suicide chez les femmes de moins de 25 ans et chez les hommes de 85 ans ou plus. Près de cinq années après le début de la pandémie, force est de constater que les tendances identifiées se sont maintenues dans la durée. Plutôt qu’une parenthèse aux effets limités dans le temps, la crise sanitaire semble avoir accéléré et amplifié des tendances antérieures, dont les ressorts restent encore trop mal connus.
Selon ces nouvelles données, la baisse constante du taux de suicide, observée depuis le milieu des années 1980, semble s’essouffler, encourageant à un redoublement des efforts de prévention.
D’autant que selon une estimation basée sur le Baromètre santé de Santé publique France, et cité dans le 6ème rapport de l’Observatoire National du suicide (février 2025), entre 190.000 et 280.000 tentatives de suicide auraient eu lieu en 2021, dont environ 58 % auraient fait l’objet d’un passage aux urgences.
POURQUOI EST-CE UN PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE ?
9.200 décès par suicide ont été enregistrés en France en 2022.
Ce bilan devance de loin celui de la mortalité routière en France métropolitaine qui s’est élevée, cette même année, à 3.550 victimes soit près de 2,6 fois moins de décès que les suicides.
L’ampleur de la problématique suicidaire ne se limite pas aux décès. Penser à la mort est le propre de l’être humain ; ce n’est pas pour autant un comportement suicidaire. Par contre, en France :
- environ 4.700 personnes sur 100.000 ont des pensées suicidaires (elles concernent plus d’une personne sur 20 au cours de la vie),
- environ 400 sur 100.000 feront une tentative de suicide (chaque année, en France, on en dénombre au total près de 200.000 tentatives de suicide),
- 13 personnes sur 100.000 décèderont par suicide
- et 22 % de la population sera exposée au suicide d’un proche au cours de sa vie.
DES INÉGALITÉS FLAGRANTES
Le décès par suicide touche davantage les hommes que les femmes (3 hommes pour 1 femme). Les tentatives de suicide concernent davantage les femmes (2 femmes pour 1 homme). Les jeunes filles présentent le taux de tentative de suicide le plus élevé par rapport à toutes les autres classes d’âge, avec un pic étroit autour de 15 à 19 ans.
Si le suicide concerne tous les âges, et qu’il est souvent associé aux jeunes et moins fréquemment aux personnes âgées, la réalité des chiffres peut surprendre.
Car si le suicide ne constitue par l’une des principales causes de mortalité de nos aînés, et si leur taux d’hospitalisation pour gestes auto-infligés est inférieur à celui des autres classes d’âge – en particulier chez les femmes –, ce sont bien eux qui en meurent le plus, chez les femmes comme chez les hommes, ce dans tous les pays d’Europe.
Toutefois, bien que le taux de suicide entre 15 et 24 ans soit relativement faible comparativement aux autres tranches d’âge, il n’en constitue pas moins la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans.
Parallèlement, d’importantes inégalités face au suicide sont à constater selon les catégories socioprofessionnelles. Parmi les professions à risque, les exploitants agricoles présentent une surmortalité statistique en comparaison de la population générale. Enfin, les personnes détenues sont particulièrement à risque également.
L’ampleur du phénomène et ses conséquences, tant à l’échelon individuel que social, appellent impérieusement à l’innovation et à l’exploration de l’ensemble des pistes utiles à sa prévention. Celle de la prévention de la contagion suicidaire est particulièrement prometteuse.
Dans de telles situations, tout ce qui renforce un lien affectif devient protection : un coup de fil, un SMS, une conversation. Ce qui est banal pour une personne n’étant pas en souffrance peut devenir un facteur de protection pour une personne ayant des pensées suicidaires.
En cas d’inquiétude pour un proche ou si l’on est soi-même concerné, on peut appeler le 3114, le numéro national de prévention du suicide (24/7).