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Quelques éléments de compréhension du suicide

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COMMENT SURGISSENT LES IDÉES SUICIDAIRES ?

Le suicide est un sujet complexe, aux déterminants multiples. Les bases de difficultés que rencontrent une personne sont souvent jetées dès l’enfance et les comportements suicidaires qui apparaissent à un moment ou un autre dans la vie prennent souvent appui sur un enchaînement de mécanismes complexes antérieurs.

Il est de fait difficile d’identifier et de démêler les raisons qui poussent à l’acte suicidaire. Un certain nombre de facteurs ont néanmoins été mis en évidence (1) :

  • des facteurs de risque proximaux (antécédents de tentative de suicide, psychopathologie, difficulté à évaluer les risques ou à contrôler les émotions…),
  • des facteurs de risque distaux (maltraitance physique et sexuelle au cours de l’enfance, antécédents familiaux de psychopathologies, fonctionnement familial mal adapté au cours de l’enfance, conflits de natures interpersonnelles…),
  • et enfin sociaux (isolement, chômage et conditions de travail) ou sociétaux (accès facilité aux moyens létaux, obstacles aux soins, couverture médiatique inappropriée du suicide, etc.).

Cependant, l’idée selon laquelle ces facteurs de risque peuvent être facilement identifiés puis utilisés pour « prédire » la probabilité d’un suicide intéresse davantage les acteurs de la prévention du suicide afin d’orienter les politiques.

En réalité, le repérage est complexe et il convient d’orienter l’attention vers un engagement envers la personne, ses problèmes, sa trajectoire de vie et sa situation spécifique (2).

Considérer l’ensemble de ces facteurs – sur un temps long – permet de mieux appréhender ce qui peut mener une personne vers une période de vulnérabilité et de déséquilibre psychique. Il importe de les prendre en compte pour appréhender le geste suicidaire en tant qu’il traduit le geste d’une personne en grande souffrance psychique et ne pas réduire le suicide à une cause unique (le facteur précipitant le geste).

LE FACTEUR PRÉCIPITANT : LES ÉVÉNEMENTS DE VIE

Le facteur précipitant peut être un événement qui semble anodin, mais c’est littéralement la goutte qui fait déborder le vase (rupture amoureuse, difficultés légales, perte d’emploi, problèmes financiers, violence domestique…). Cet événement est perçu par la personne comme symboliquement important et significatif, d’où la détresse qui en découle.

Le déséquilibre alors engendré génère une tension qui peut devenir insupportable pour la personne. Si elle ne parvient pas à trouver de solution d’adaptation (de coping) efficace face à ce stress de la vie, la personne peut concevoir le suicide comme un geste permettant de faire baisser cette tension.

Ce processus n’est cependant pas irréversible ; on peut sortir d’une crise suicidaire à tout moment. La présence constante de l’ambivalence rend cette intervention possible, ainsi, nous pouvons tous aider une personne en crise suicidaire à entrevoir d’autres alternatives que la mort

L’ÉVOLUTION DE LA CRISE VERS LE SUICIDE

Le suicide n’est pas une photo ; c’est un film qui se déroule dans le temps et dont l’origine des causes peut remonter à l’enfance (3). 
Et le passage à l’acte suicidaire est très rarement instantané, il évolue dans un processus que l’on peut schématiser en 5 étapes successives :

Étape 1 : La recherche de solutions pour enrayer la crise

La personne fait l’inventaire des différentes solutions possibles pour se sentir mieux et s’en sortir. Chacune de ces solutions fait l’objet d’une évaluation pour juger de sa possibilité à apporter un changement à la douleur. Certaines personnes possèdent un vaste éventail de solutions et peuvent identifier des stratégies pour résoudre rapidement la crise. Pour d’autres personnes, l’éventail des solutions est plus réduit ou diminue parce que les solutions ne répondent pas aux besoins présents. À ce stade, l’idée du suicide n’a pas encore été envisagée ou très peu.

Étape 2 : Le flash suicidaire et l’apparition d’idées suicidaires

Au cours de la recherche de solution et au fur et à mesure que certaines solutions s’avèrent inefficaces, il arrive que la personne considère le suicide comme une des solutions susceptible d’éliminer la souffrance. Le suicide revient régulièrement comme une solution et l’on s’y attarde chaque fois un peu plus longtemps, élaborant toujours un peu plus les scénarios possibles.

Étape 3 : La rumination de l’idée suicidaire

L’inconfort devient de plus en plus difficile à supporter et le désir d’y échapper s’intensifie. L’incapacité à résoudre la crise et le sentiment d’avoir épuisé les possibilités de solutions provoquent une grande angoisse. L’idée suicidaire revient constamment et régulièrement, elle engendre tourment et angoisse attisant la souffrance et la douleur.

Étape 4 : La cristallisation et l’élaboration d’un scénario suicidaire

La personne est submergée par le désespoir. C’est le moment où le suicide apparaît à la personne comme la seule solution susceptible de mettre fin à son désarroi et à sa souffrance. Parvenu à ce stade, il y a généralement élaboration d’un plan précis, soit la date, l’heure, le moyen, le lieu.

Etape 5 : L’élément déclencheur et le passage à l’acte

Cet événement est souvent la goutte qui fait déborder le vase et il survient au terme d’une longue série de pertes et d’échecs.

PRÉVENIR LE SUICIDE

Pour toutes ces raisons, le suicide est un phénomène évitable en partie par la prévention.

La littérature identifie la réduction de l’accès aux moyens létaux comme l’une de ces mesures. C’est notamment l’objet de notre action sur les hot spots suicidaires.

D’autres existent, comme le maintien du contact avec les personnes ayant été hospitalisées pour une tentative de suicide (en France, c’est le dispositif VigilanS) ou une stratégie globale de prévention faisant intervenir un grand nombre d’acteurs de divers secteurs, dans une logique coordonnée.

Il est de plus en plus admis que les médias jouent également un rôle important soit en renforçant ou en affaiblissant les efforts de prévention du suicide. En effet, la couverture médiatique d’un suicide est susceptible d’inciter certaines personnes vulnérables à passer à l’acte par imitation (c’est l’effet Werther) ou au contraire à minimiser ce comportement imitatif. Tout comme les médias peuvent diffuser une information éducative utile à la prévention du suicide ou au contraire, répandre de la désinformation à ce sujet.


(1) OMS sur la prévention du suicide, 2023

(2) Mulder, Newton-Howes, Coid. The futility of risk prediction in psychiatry. Br J Psychiatry. 2016 Oct;209(4):271-272

(3) Séguin. Le suicide, le comprendre pour le prévenir. Editions au carré. 2009

 

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